Étude faite pour un exposé oral dans le cadre d'un cours de civilisation sur la question de l'identité allemande aujourd'hui. Le style d'écriture n'est donc pas des meilleurs !
Ce travail consiste à présenter ce qu'est l'Ostagie, comment elle s'exprime, et dans quelle mesure la RDA fait partie de l"histoire de l'Allemagne.
Pour ceux qui souhaite uniquement lire la partie consacrée à Rammstein, c'est dans le II - B.
Bonne lecture.
En
guise d'introduction, il faut d'abord donner la définition de
l'Ostalgie. Le terme est composé du mot Ost, pour Est
et de la fin de die Nostalgie. Le terme est utilisé pour la
première fois par un chanteur venu de l'ex-Allemagne de l'Est :
Uwe Steimle. Il utilise se néologisme pour évoquer la vie en RDA.
Une
composition simple, mais une définition complexe : à savoir,
l'Ostalgie a-t-elle une connotation positive ou négative ?
Pour certains historiens et sociologues le terme est neutre.
Toutefois, pour le spécialiste Thomas Ahbe le mot aurait une
connotation négative, du fait que l'Ostalgie est composé de
deux termes dépréciatif : l'Est, synonyme d'arriération, et
la nostalgie synonyme de passéisme, d'incapacité à aller de
l'avant.
Pour
Lothar Fritze le terme est à nuancer. Il préfère parler de
« Partialnostalgie » ou de « Pseudonostalgie »,
car, selon lui, il n'y a pas assez de nostalgiques pour parler de
nostalgie et les frustrations engendrées par les nouvelles
conditions de vie à l'Est et la critique d'un capitalisme débridé
ne sont pas suffisants pour utiliser le terme d'Ostalgie.
En
ce qui concerne mon propos, je propose d'utiliser ce terme sans
aucune connotation, mais comme la simple expression d'une nostalgie
de l'Est. Ce qui m'intéresse particulièrement c'est le fait que
cette nostalgie de la RDA se soit exprimée pleinement à travers des
œuvres cinématographiques, et que ces films ont su traduire,
montrer un sentiment qui semble être partagé par un grand nombre
d'ex-allemands de l'Est.
Comment
l'Ostalgie, phénomène cinématographique,
trouve-elle un éco chez les allemands originaires de RDA ? Et
dans quelle mesure l'Ostalgie fait-elle partie
de l'identité allemande ?
Pour
répondre à cette double problématique, je vous propose l'analyse
des films qui ont montré cette Ostalgie : à savoir,
comment l'ont-ils montré et dans quelle mesure ils sont en phase
avec la réalité. D'où la deuxième partie, consacrée à des
témoignages d'ex-allemands de l'Est. Enfin, je vous propose
d'aborder l'Ostalgie du point de vue de la société
allemande, de son impact sur la définition de son identité.
I.
Ein Filmphänomen
A.
Sonnenalle
Comme
je l'évoquais en introduction, l'Ostalgie est avant tout un
phénomème cinématographique qui s'est pleinement exprimée dans
trois films allemands. Le premier est sorti a été réalisé par
Leander Haußmann en 1999. Il s'intitule Sonnenallee, du nom
d'une rue de Berlin dont la partie sud était un point de passage
entre Berlin-Est et Berlin-Ouest. Il met en scène différents
personnages habitant cette rue, à proximité immédiate de die
Grenzgebeit (zone frontière),
dans les années 1970. Le personnage principal, Micha, est un
adolescent amoureux qui évolue dans un monde hétéroclite : sa
mère est obnubilée par le passage à l'ouest et tente d'usurper
l'identité d'une touriste venue de l'autre côté du mur, un père
très critique envers le régime de la RDA, un oncle venant de
l'ouest, un voisin membre de la Stasi
et une bande de copains dont les principales préoccupations sont les
filles et le rock.
Le
film évoque, dix années après la chute du Mur, la vie de la
jeunesse allemande en RDA d'une manière qui pouvait, au moment de sa
sortie, être plutôt surprenante, notamment pour les spectateurs de
l'ouest. En effet, l'oeuvre ne montre pas une jeunesse persécutée
et brimée par le régime en place, mais plutôt des personnages
insouciants.
Si
Sonnenalle est la
première expression cinématographique de l'Ostalgie,
le film n'a pas véritablement marqué les esprits. Il faut attendre
encore quelques années pour que sorte le film emblématique de cette
Ostalgie...
B.
Good bye Lenin !
C'est
en 2003 que sort Good bye Lenin !,
l'oeuvre de Wolfgang Becker, qui en quelques semaines à peine va
devenir un film culte. Le film use d'un ton à la fois humoristique
et mélancolique pour évoquer la RDA. Le début du film s'inscrit
dans la fin des années 1970 et présente la famille Kerner.
Christiane, la mère, se retrouve seule à élever ces deux enfants,
Ariane et Alexander, alors que leur père vient de fuir à l'Ouest.
Elle décide alors de s'investir dans la vie sociale du régime
communiste en s'investissant notamment auprès de la Freie
Deutsche Jugend. Une elipse nous
emmène jusqu'en octobre 1989. Christiane doit participer aux
célébrations du 40ème anniversaire de la RDA. En route, sa voiture
est arrêtée à cause du désordre causé par une d'une
manifestation violemment réprimée par les forces de police. Elle
aperçoit parmi les manifestants son fils Alex qui se fait arrêter
avec violence. Elle a un infarctus et tombe dans le coma.
Quelques
semaines plus tard le mur de Berlin tombe : Ariane et Alex
découvrent la vie occidentale et s'intègrent à cette nouvelle
société. Christiane se réveille en juin 1990.
Les
médecins conseillent à Alex d'éviter à sa mère un nouveau choc
qui pourrait causer une rechute. Il décide, avec l'aide de sa sœur,
de cacher à Christiane les changements politiques qui ont eu lieu
pendant son coma. Ils vont alors réaménager l'appartement comme il
était du temps de la RDA, cachent les nouvelles technologies,
retrouvent les marquent des produits vendus à l'Est. Avec l'aide de
leur entourage, l'illusion fait effet. Ils vont même jusqu'à
tourner de faux journaux télévisés. Ils y insèrent les images de
foules traversant les frontières et lui font croire que des millions
d'allemands de l'Ouest fuient le capitalisme en s'exilant à l'Est,
où l'asile leur est accordé.
Comme
je le disais, ce film a eu un succès immédiat auprès du public
allemand. Benoit Pivert, maître de conférence à l'université de
Paris XI écrit : « Si en 2003 le film de Wolfgang Becker
Good bye Lenin !
Est devenu en quelques semaines un film culte, sans nul doute est
parce qu'[il]
a su faire vibrer la sensibilité particulière des spectateurs à un
moment précis de leur histoire individuelle et collective. »
En effet, le film a fait revivre le monde disparu de la RDA. C'est
probablement avec émotion que les ex-allemands de l'Est on pu voir à
l'écran les anciens produits de consommation, leur journal télévisé
ou encore des anciens héros tel que le cosmonaute Sigmund Jähn.
Le
film est probablement sorti au moment où les ex-citoyens de RDA ont
assumé une véritable désillusion quant à la société capitaliste
qui s'est imposée à eux au cours des années 1990. Peut-on analyser
cette Ostalgie
comme une volonté de « réhabiliter » la RDA ?
Certains reprochent au film de nier totalement la réalité de la
dictature communiste, et aux ostalgiques d'embellir la réalité, de
dire : « c'était mieux avant ». Certes, le film n'a
pas pour but de dénoncer ce régime autoritaire, toutefois il montre
la réalité des faits : la volonté d'aller à l'Ouest pour
avoir une vie meilleure, les violences policière contres les
manifestants de l'automne 1989, le manque de choix et ou encore
« l'arriération » de la RDA en ce qui concerne les
avancées technologiques. Good
bye Lenin !
réhabilite une société révolue, qu'on a rejeté, que les
ex-allemands de l'Est ont rejeté. Face aux désillusions apportées
par le monde capitaliste, ils ont eu besoin de se ré-approprier leur
passé, d'assumer leur identité. Une phrase du héros-narrateur Alex
résume à merveille le sentiment « ostalgique » alors
qu'il fait croire à sa mère que des foules venues de l'Ouest fuient
la société capitaliste pour la RDA : « Je faisais de la
RDA ce que j'aurais aimé qu'elle soit »
C.
Das Leben der Anderen
Les
films « ostalgiques » semblent porter cette mission de
ré-appropriation, de réhabilitation. Malgré cette volonté
d'insister sur le fait que « tout n'était pas mauvais »
en RDA, ils rappellent également les difficultés et la dictature
qu'était la RDA. C'est particulièrement le cas d'un film dont le
succès a dépassé Good
bye Lenin ! :
Das Leben der
Anderen,
réalisé en 2007 par Florian Henckel von Donnersmarck.
L'histoire
se déroule en 1984 à Berlin-Est. Une membre de la Stasi ; Gerd
Wiesler (« HGW XX/7 ») est chargé de surveiller le
dramaturge Georg Dreyman. Wiesler l'ignore, mais il s'agit en fait
d'une intrigue orchestrée par le ministre est-allemand de la culture
Bruno Hempf, lequel est amoureux de la compagne de Dreyman, l'actrice
Chista-Maria Sieland, et souhaite compromettre son rival pour
l'éliminer.
Wiesler,
installé dans les combles de l'immeuble de Dreyman et équipé d'un
imposant matériel d'écoute, s'imprègne de la vie quotidienne des
personnes qu'il espionne nuit et jour, s'en émeut parfois et il
s'éloigne peu à peu de sa mission : il ne signale rien lorsque
Dreyman, à la suite du suicide de son ami Jerska — metteur en
scène dont la carrière a été détruite —, s'affaire à la
rédaction d'un article de presse destiné à révéler le taux de
suicide anormalement élevé en RDA. En outre, cet article doit être
publié dans le magazine ouest-allemand Der Spiegel. Pour tromper une
éventuelle enquête sur l'origine de l'article, Dreyman utilise une
machine à écrire qui lui a été fournie par le magazine édité en
RFA. Progressivement, Wiesler est ainsi amené à rédiger des
rapports incomplets ou falsifiés, dans le but de protéger l'homme
qu'il est censé surveiller.
Lorsque
Christa-Maria Sieland, inquiétée en raison de son usage de
médicaments interdits, est finalement interrogée dans les locaux de
la Stasi, elle est contrainte — pour sauver sa carrière — de
dénoncer son compagnon concernant l'article et le lieu ou est cachée
la machine à écrire dans l'appartement. Wiesler mis au courant de
la descente de police qui doit avoir lieu chez Dreyman va entrer dans
l'appartement et prendre la machine à écrire pour le protéger.
Je
le disais, Das
Leben der Anderen
a remporter un succès encore plus grand que Good
bye Lenin !
en obtenant de nombreux prix en Allemagne et également à l'étranger
dont un Oscar en 2007. On a parfois reproché à Good
bye Lenin !
de ne pas aborder le sujet de la Stasi, de faire comme si cela
n'avait pas existé. Das
Leben der Anderen
met cette problématique de la surveillance, des abus des plus hauts
membres du parti, de cette absence totale de liberté de penser et de
s'exprimer, mais également de ceux qu'on appelait des «
collaborateurs officieux » qui, par ce qu'on les faisait chanter ou
pour obtenir une promotion dénonçaient leurs voisins, leurs amis,
ou encore des membres de leurs familles. Ce film met en évidence la
perversité du système auquel personne ne peut échapper. On
pourrait alors penser qu'il ne s'agit pas d'un film « ostalgique »,
dans le sens où il ne regrette pas, ne pleure pas la période de la
RDA. Le mode nostalgique, très palpable dans Good
bye Lenin !,
n'est absolument pas présent ici, car le rythme du film montre un
système rigide est implacable.
D.
Conclusion provisoire
Toutefois,
si elles s'opposent dans le ton, ces deux œuvres sont
complémentaires. En effet, les deux films ne montrent pas la même
catégorie de la population : dans le premier il s'agit de
rendre compte de la vie de citoyens lambda, se démenant dans le
quotidien. Le second, s'intéresse à une autre catégorie de la
population, plutôt les intellectuels et les personnes ayant une
image publique. Ces derniers étant plus susceptibles d'être
confronté à la police secrète que les autres. Ces deux films me
semblent tout à fait complémentaires, l'un ne rejetant pas l'autre.
Parce que oui, la RDA c'était à la fois la Stasi, l'état
totalitaire, mais également un pays où des allemands sont nés, ont
grandi et ont été heureux.
C'est
pour cela que je voudrais maintenant aborder quelques témoignages de
personnes nées et ayant grandi en RDA.
II.
Zeugnisse
A.
Familie W.
Herr
und Frau W. sont originaires de RDA, d'une petite ville située à
l'Ouest de Leipzig. Il sont nés en 1967 et 1970. Ils m'ont accueilli
chez eux à Karlsruhe pour parler de ce qu'est l'Ostalgie
pour eux et également de leur enfance et de leur jeunesse à l'Est.
L'entretien s'est déroulé en anglais, allemand et français. Je ne
compte pas rendre ici l'intégralité de notre entretien qui a été
très riche, mais je souhaite évoquer les début de notre
conversation.
J'ai
débuté l'entretien par la question suivante : « Qu'est-ce
que vous pensez ou ressentez lorsque vous entendez le mot
Ostalgie ? ».
La première chose que nous évoquons ensemble et le fait qu'ils sont
heureux d'avoir à nouveau accès aux marques de produits qui étaient
consommés en RDA. Il n'y avait pas le choix à l'époque : si
vous vouliez acheter du café il n'y avait qu'une marque de café,
etc. C'est une des thématique abordée dans Good bye
Lenin !, le héros
cherchant à tout prix des produits de l'Est pour sa mère.
Puis,
très vite nous abordons ensemble la question de la difficulté de
savoir ce qu'est l'Ostalgie.
Frau W. commence par me dire qu'elle ne sait pas vraiment si
l'Ostalgie est quelque
chose de personnel, c'est-à-dire si cela correspond à ses souvenirs
d'enfance, ou bien si c'est un sentiment collectif. Elle a ainsi
soulevé une problématique au cœur de la définition de l'Ostalgie
et de la la légitimité de ce terme. Je lui ai répondu que
justement, sa question est au cœur du débat, et que je n'était pas
sûre qu'il soit véritablement possible d'y répondre. J'ai insisté
sur le fait que j'avais un intérêt pour ses souvenirs. Si les
destins personnels ne ferons jamais l'Histoire, les témoignages sont
des données indispensable pour comprendre une époque.
Ce
qui m'a particulièrement marqué au cours de notre entretien a été
le moment où Frau Worg a évoqué son tout premier passage vers
l'Ouest. Elle était très émue. Cette émotion n'était pas celle
d'une liberté retrouvée. Il me semble que c'est à ce moment qu'ils
ont compris que leur monde était complètement bouleversé, que la
société qu'ils avaient connu était entrain de disparaître.
B.
Rammstein : un groupe ostalgique ?
1.
Christoph Schneider et Richard Kruspe : un souvenir contrasté
de la vie « à l'Est »
Comme
nous l'avons abordé avec la famille Worg, le sentiment
« ostalgique » semble avant tout d'ordre individuel.
Quels souvenirs et quels sentiments gardons-t-on de son passé? C'est
pour cela qu'avant d'aborder la question de Rammstein comme groupe
« ostalgique », il me semblait pertinent d'aborder
rapidement les points de vues individuels des membres.
J'ai
choisi de réunir dans une même sous-parties les témoignages d'un
des guitariste Richard Kruspe et du batteur Christoph Schneider, car
ce qu'ils exprime à l'égard de leur passé en RDA est contrasté.
Kruspe exprime le fait qu'il a très vite ressenti un climat
d'emprisonnement à l'Est et a très vite été fasciné par l'autre
côté, par les États-Unis notamment. Il changera même son prénom
et abandonne Zven, qu'il trouvait « trop allemand » pour
Richard au son plus américains. Dans ces différentes évocations de
sa jeunesse, il souligne le fait qu'il était extrêmement difficile
d'avoir accès à la culture et à la musique, et surtout à la
musique de l'Ouest. Au delà de ces difficultés et de se sentiment
d'oppression quotidien, il va connaître de près le fonctionnement
implacable de la dictature. À l'automne 1989, alors qu'il se trouve
à Berlin, en sortant du métro il se retrouve au sein d'une des
manifestation contre le régime. Il est arrêté et emprisonné
pendant une quinzaine de jours. Il vit l'absurdité des
interrogatoires menés par la Stasi puis, sans raison particulière,
il est relâché. Il va alors fuir à l'Ouest avec un ami. Il
explique qu'il fait cela sur un coup de tête, sans prévenir
personne. Dans son témoignage il insiste particulièrement sur le
sentiment qu'il a ressenti après, une fois à Berlin-Ouest : il
a prit conscience qu'il avait tout laisser derrière lui, abandonné
ses proches, mais surtout à quel point il se sentait comme un
étranger dans un pays qui était pourtant aussi l'Allemagne.
Quelques jours plus tard le mur est tombé.
Schneider
a lui aussi un souvenir contrasté de la RDA. Il utilise, comme l'on
fait les membres de la famille Worg, les termes de « sombre »
et « secret » pour évoquer la vie quotidienne à l'Est.
Il souligne toutefois qu'il n'a jamais véritablement ressenti un
absence de liberté notamment en temps que musicien. Il dit :
« on avait prit l'habitude de faire des trucs ultra provoc' et
en Allemagne de l'Est ça ne dérangeait pas tant que ça. On faisait
ce qu'on voulait sans se demander si un jour il y aurait un album qui
plairait au grand public. De toute façon ça ne pouvait pas toucher
le grand public, on se produisait dans de petits clubs et très rares
étaient les groupes qui arrivaient à sortir un album ». Sans
jamais vraiment prononcer le mot, il aborde la thématique du
bonheur, que nous allons aborder avec le prochain témoignage.
Schneider souligne tout particulièrement le fait que cette vie à
l'Est est étroitement liée à ce qu'est le groupe, sa musique, ses
textes.
2.
Flake Lorenz : une Ostalgie
assumée.
Le
membre du groupe qui s'exprime volontiers sur sa vie à l'Est Flake
Lorenz. Il assume clairement son Ostalgie
dans beaucoup d'interviews et particulièrement dans un reportage de
la chaine Arte lui a consacré en 2011 dans le cadre d'une émission
consacrée au bonheur. Plus récemment, la semaine dernière, il
publie son autobiographie intitulée Der Tastenficker. An
was ich mich so erinnern kann.
Il raconte avec beaucoup de nostalgie sa jeunesse en RDA. Il explique
que pour lui tout était simple à cette époque. Il dit : « Je
ne m'occupais pas de l'État, je vivais dans un pays, pas dans un
État. Je n'ai jamais vraiment eu le sentiment qu'il y avait un
gouvernement et qu'on était gouverné. De toute façon on ne pouvait
rien dire, rien décider. Jamais je ne me suis demandé si la RDA
était viable d'un point de vue économique, si elle n'avait pas trop
de dettes... Ça ne me venait pas à l'esprit. La situation me
paraissait bien en l'état. On allait à des concerts, on en donnait
nous-même, on était comme des enfants à jouer tout le temps »
Le
sentiments qui ressort des témoignages de Flake sur la RDA est celui
d'une vie simple, calme et paisible. Il n'a jamais eu à faire avec
le système autoritaire. La seule chose qui nous paraît aujourd'hui
comme étant une absence de liberté, ne s'est pas imposé en temps
que tel pour les citoyens nés en RDA. Frau Worg, lorsque j'ai évoqué
avec elle cette absence de liberté d'expression m'expliquait qu'elle
ne voyait pas cela comme une privation de liberté : il y avait
un discours à tenir en public, les critiques on les gardait dans le
cercle de la famille, de la vie privée. Flake rapporte exactement le
même témoignage. Il n'ont pas vécu cela comme une privation de
liberté, mais c'était normal, c'était dans leur éducation. Et
cela ne les a pas empêché d'être heureux.
La
notion de bonheur est très présente dans bon nombre de témoignages.
Je vous propose d'écouter Flake à ce sujet : « Ce qui
était bien à l'Est c'est que personne ne pouvait faire carrière,
il n'y avait aucun secteur où c'était possible. C'était absurde de
vouloir gagner beaucoup d'argent, il n'y avait rien à acheter, et ça
c'était super ! On avait pas besoin de jouer des coudes ou de
se faire mousser, ça n'avait de toute façon aucun sens. La belle
vie s'était de bien s'entendre avec ses congénère, ses voisins,
d'avoir un bon cercle d'amis avec qui s'amuser, une famille sans
histoire. C'était ça le bonheur »
La
vie paisible et le bonheur simple que décrit Flake est véritablement
ce qui ressort des témoignages des citoyens « lambda »
de RDA. Le changement qui a probablement était le plus difficile à
accepter après la chute du Mur, au delà d'un quotidien bouleversé,
comme le montre Good bye Lenin !,
c'est le changements des valeurs. Le bonheurs s'est mis à être
autre : gagner beaucoup d'agent pour avoir une belle maison, une
belle voiture, pour pouvoir consommer. Dans la société capitaliste
le bonheur correspond à la consommation. Ce changement de valeurs a
également changé la manière pour Flake, et les autres membres du
groupes d'ailleurs, de faire de la musique. Tout à coup, faire de la
musique s'est mis à signifier faire de l'argent.
Ainsi,
le Réunification que l'on voit d'une manière collective comme un
événement historique heureux, comme le sens de l'Histoire, n'a pas
été vécu de cette manière par les individus. Il a fallu d'une
part s'intégrer à cette nouvelle société et en accepter les
valeurs. Voilà ce que dit Flake de la Réunification : « La
Réunification n'a pas améliré mon quotidien. Ma vie à changé
mais elle ne s'est pas amélioré qualitativement. Je ne me dis pas :
'Super maintenant je peux m'acheter un magnétoscope' ou 'Génial,
j'ai le choix d'aller à Dusserldorf' »
3.
Explication de textes : « Amerika » et « Moskau »
Pour
compléter ces témoignages, je souhaite compléter notre réflexion
avec le commentaire de deux chansons du groupe Rammstein. Aussi
étonnant que cela puisse paraître, parce qu'il chante en allemand,
le groupe a un succès international, au point d'être devenus des
ambassadeurs de la culture allemande. Pour preuve un sondage fait
part le chaine de télévision Arte en 2012 intitulé « L'Allemagne,
la France et vous » : à la question « quel
musicien, groupe ou chanteur allemand avez-vous écouté ? »,
la réponse le plus citée par les français a été :
Rammstein. Ou encore, il y a quelques semaines la Deutsche Welle, le
service international de diffusion de l’Allemagne, a publié un
article constatant la recrudescence de personnes apprenant l'allemand
dans le monde : parmi les raisons avancées, le groupe Rammstein
est cité et est choisi pour la photo d'illustration.
Ce
groupe, peut être considéré comme un groupe d'Allemagne de l'Est,
même s'il est fondé en 1994, car tous ces membres sont originaires
de RDA. Trouve-t-on de l'Ostagie dans leurs textes ? Si le
regret de la RDA n'apparait jamais de manière explicite dans leurs
textes, il me semble intéressant de se pencher sur deux d'entre
eux : « Amerika » et « Moskau ». Ils se
situent l'un à la suite de l'autre au centre de l'album intitulé
Reise, Reise. Le choix de faire suivre ces deux textes est
significatif d'une volonté de faire à demi-mots la description d'un
monde coupé en deux jusqu'à la fin des années 1980.
Sur
un ton ironique, « Amerika » est décrite comme
merveilleuse, une ronde joyeuse où nous vivons tous en harmonie.
Pourtant, en regardant le texte de plus prêt, on se rend compte que
qu'une dictature est décrite, la Maison Blanche donnant le « la »
et dirigeant le monde entier :
« Quand
on danse, je veux conduire
Même
si vous tournez tout seuls
Laissez-vous
un peu contrôler
Je
vous montre la manière juste de faire
Nous
formons une douce ronde
La
liberté joue sur tous les violons
La
musique vient de la Maison Blanche
Et
Mickey Mouse est aux Portes de Paris
(...)
Je
connais des pas très utiles
Et
je vous protégerai d'un faux-pas
Et
celui qui ne veut pas danser à la fin
Ne
sait pas encore qu'il y est obligé »
Il
est assez intéressant de noter que Lindemann a fait le choix de
décrire les États-Unis comme une sorte de dictature de la liberté.
Le ton ironique du texte rend la critique d'autant plus forte et
significative du point de vue d'une éventuelle Ostalgie chez
Rammstein. Il semblerai qu'il faille absolument encenser notre
société occidentale qui s'est construite dans la seconde moitié du
XXème siècle sur les bases d'une Amérique toute puissante et
imposant ses code. Peut-être que nous pourrions aller plus loin en
disant que les membres de Rammstein, en temps qu'ex-citoyens
d'Allemagne de l'Est se doivent de bénir cette société libre,
devrait-on dire « libéraliste », qui les a sauvé de la
dictature communiste.
La
chanson qui suit s'attèle à une description de la ville de Moscou,
qui semble symboliser ce qu'on a appelé le bloc de l'Est.
Tout
comme « Amerika » a son refrain en anglais, « Moskau »
est en partie chantée en russe. La première phrase dit :
« C'est une chanson sur la plus belle ville au monde,
Moscou! ». On peut ainsi faire le rapprochement avec l'Amérique
décrite précédemment comme « merveilleuse ». En ce qui
concerne le ton de cette chanson, il est bien différent de la
précédente : alors qu' « Amerika » décrivait un
monde lisse et parfait, le visage de Moscou est bien plus sulfureux.
En effet, elle est comparée à une prostituée plus très jeune,
ayant une tache sur le front, des dents en or, les seins refait...
« Cette
ville est une putain
Elle
a des taches rouges sur le front
Ses
dents sont en or
Elle
est grasse et pourtant si douce
Sa
bouche descend dans ma vallée
Quand
je la paye
Elle
se déshabille, mais que pour l'argent
Cette
ville qui me tient en haleine
Moscou
Un,
deux, trois
Moscou
Regardez
Les
pionniers ici et là
Chantent
des chansons pour Lénine
Elle
est vieille et quand même belle
Je
ne peux pas lui résister
Je
ne peux pas résister
Elle
poudre sa vieille peau
S'est
fait refaire les seins
Elle
s'est fait refaire
Elle
m'excite, je souffre le martyr
Elle
danse pour moi, je dois payer
Je
dois payer
Elle
couche avec moi, mais que pour l'argent
Elle
est pourtant la plus belle ville du monde »
Malgré
ce portrait pas très séduisant, Moscou est décrite comme très
attirante : « Cette ville me tient en haleine »,
« Elle est vieille mais quand-même belle / je ne peux pas lui
résister » ou encore « Elle couche avec moi, mais que
pour l'argent / Elle est pourtant la plus belle ville du monde ».
Sous ce paradoxe, nous pouvons peut-être voir de l'Ostalgie.
Le portrait très peut attrayant fait de Moscou, en temps que symbole
de la société qui s'est imposée à l'Est pendant quarante ans,
semble représentatif de l'image qu'on en a, c'est à dire une
société vieillotte, en retard et laide. Malgré cela, elle reste
attirante, irrésistible pour le narrateur. Le procédé de cette
chanson est à l'inverse de ce qui était fait pour « Amerika »
qui a une belle apparence mais qui, sous ses airs de bonne fée,
manipule et impose un nouveau type de dictature. « Moskau »
décrite comme le symbole d'une société décriée, un dictature
laide et arriérée, reste ce vers quoi le narrateur sent attiré.
Ces
deux chansons semblent tenir ainsi un rôle symbolique et décrire
une certaine Ostagie chez Rammstein. Le choix des symboles, et
notamment l'ambiguité dans la description de « Moskau »
laisse également apparaître un certain malaise dans ce sentiment
d'Ostalgie de l'Est, tel qu'il était avant 1989.
Nous
pourrions également aller plus loin que ces deux textes et dire que
cette Ostalgie chez Rammstein est aussi présente dans leur
musique. Flake et Schneider utilisent les adjectifs « sombre »
et « monotone » pour décrire leurs vie en RDA. Ce sont
exactement ces mêmes termes qu'on utilise pour décrire leur
musique. Schneider, souligne d'ailleurs dans une interview à
« Tracks » en 2009, le lien étroit entre leurs origines
et leur musique : « C'est lié à notre vie à l'Est. En
Allemagne de l'Est tout était sombre et gris, et les choses se
passaient en secret. En plus, c'était les années 1980, c'est là
que cette musique est apparue : le gothique, la wave... »
FAIRE
UNE CONCLUSION
III.
Die Ostalgie und die deutsche Identität
La
question que nous abordons ce semestre est celle de l'identité
allemande, et je souhaite dans cette troisième partie qui fait
également gise de conclusion me questionner sur la place de
l'Ostalgie dans la société
allemande de ce début de XXIème siècle.
A.
Les enjeux économiques de l'Ostalgie
Du
point de vue économique le premier constat que nous pouvons faire
est le fait que le l'Ostalgie
est avant tout un phénomène économique. Ceci paraît très
paradoxal au regard des témoignages « ostalgiques » que
nous venons d'évoquer et qui se constitue autour de la critique des
valeurs du capitalisme. Être « ostalgique » c'est
redécouvrir avec émotion les anciennes marques et produits vendu à
l'Est avant 1989. Les industriels et les entreprises l'ont bien
compris, la nostalgie doit faire vendre. Et alors que les ex-citoyens
de RDA redécouvrent avec émotions depuis quelques années
maintenant les cornichons de la Spreewald ou se rappelle du temps où
l'argent n'était pas au cœur des valeur de la société autour
d'une tasse de café Moka Fix-Gold, les riches industries
capitalistes augmentent leurs chiffre d'affaire.
On
retrouve ce même paradoxe, devrait-on dire cette ironie du sort,
chez Rammstein. La nostalgie des vieilles valeurs, du temps où faire
de la musique signifiait simplement s'amuser et passer du bon temps,
n'est plus qu'un simple sentiments. En effet, le succès
international du groupe a constitué une niche qu'il ne fallait pas
laisser passer. Les musiciens faisant une critique acide du
capitalisme vendent aujourd'hui tee-shirts, bijoux ou encore
grills-pains à l'effigie du groupe.
Si
on se demandait si l'Ostalgie
constituait un risque pour l'économie allemande, nous sommes
désormais rassuré. Ainsi l'Ostalgie
semble même participer au miracle économique !
B.
Des questionnements politiques
Je
ne vais pas m'étendre sur le sujet d'un lien entre Ostalgie
et politique car il très complexe et finalement trop peu étudier.
En
janvier 2009 Die Frankfurter Allgemeine Zeitung
publie les résultat d'un sondage concernant l'état d'esprit des
allemands à l'égard de la République fédérale et se sa
constitution. À la question : « Quand, au XXe siècle,
L'Allemagne s'est-elle selon vous le mieux portée ? »,
58% des personnes interrogées ont répondu : « Dans
l'Allemagne Réunifiée ». À la même question, 28% des
ex-allemands de l'Est, soit plus d'un quart, ont répondu : « en
RDA entre 1949 et 1989 ».
On
constate que les Länder de l'Est on tendance à se tourner vers le
parti Die Linke
considéré comme étant l'héritier direct du SED. Partant de ce
constat, un journaliste écrira dans Die Welt :
« Le socialisme n'appartient pas au passé. Il est en vogue. »
Il faut savoir que Die Linke
a fait de la lutte contre l'Ostalgie
une stratégie : en effet, en terme de communication, le parti a
comprit que les communistes tenant un discours claironnant sur la RDA
et ayant tendance à enjoliver l'ancien régime sont une mauvaise
image et compromettent les chances aux élections. Aujourd'hui, les
succès électoraux du parti Die Linke
à l'Ouest ne permettent plus de faire d'amalgame entre ce parti et
l'Ostalgie.
Certains
tentent également de trouver un lien entre Ostalgie
et les succès de l'extrême droite en ex-Allemagne de l'Est. Ceci
paraît être contre nature. Toutefois on peut noter des thématiques
communes comme l'anti-capitalisme, l'anti-américanisme, l'idée de
justice sociale ou encore une critique de la mondialisation.
Il
faut savoir qu'aucune étude approfondie n'a était faite sur
l'expression politique de l'Ostalgie.
Je tenais simplement à vous faire part des thématiques qui
reviennent régulièrement dans la presse allemande, mais je n'irai
pas plus loin dans mes réflexions.
C.
L'Ostalgie : une Réunification impossible ?
Au
termes de cette évocation de l'Ostalgie,
nous pouvons ainsi nous demander si elle ne serait pas un frein à la
Réunification. La famille W. évoquait avec moi lors de notre
entretien le fossé qu'ils ressentent parfois entre les ex-allemands
de l'Est et ceux de l'Ouest. Ceci reprochent aux autres leur
nostalgie, eux critiquent les valeurs capitalistes qui régissent
l'Allemagne. Sans compter que l'intégration des anciens Länder de
l'Est au miracle économique allemand n'est pas une évidence.
On
constate que l'Allemagne et les allemands doivent assumer un passé
difficile : en plus du IIIème Reich, de la guerre, il y a bien
eu pendant plus de 40 ans deux Allemagnes, deux pays, deux régimes,
deux évolutions et finalement deus histoires différentes. Au
lendemain de la chute du Mur de Berlin et au cours des années 1990,
la tendance était de penser et de dire que le « bonne »
Allemagne avait fini par triomphé et que tout ce qui était en lien
avec la RDA devait absolument dédaigné. Mais le miracle et les
« lendemains qui chantent » promis par la Réunification
ne sont jamais véritablement arrivé pour les allemands de l'Est. Et
c'est de cette désillusion que semble être né l'Ostalgie.
Toutefois, je ne crois pas qu'il soit juste d'en rester sur cette
cause. Après mes recherches, après les différents témoignages
dont j'ai pris connaissance, l'Ostalgie
est aussi une volonté des ex-citoyens de RDA de se ré-approprier et
d'assumer leur passé. Ce qu'ils semblent vouloir dire c'est
qu'assumer le fait qu'ils aient pu vivre heureux en RDA et en garder
de bon souvenirs, ne correspond pas à une négation de tout le
reste : l'absence de liberté, le régime autoritaire ou la
Stasi.
Je
crois qu'on peut également dire que l'Ostalgie
n'est pas non plus une volonté de retourner en arrière. Mais
revendiquer le droit de critiquer la société qui s'est imposée à
eux à partir de 1989, est aussi un moyen de faire évoluer
l'Allemagne vers une société meilleure.
Remerciements :
Un très grand merci à la famille W. qui m'a accueilli chez elle pour évoquer leur passé et leur vie en Allemagne de l'Est. Je leurs en suis très reconnaissante.
Filmographie :
Henckel von Donnersmarck Florian, Das Leben der Anderen, 2007
Becker Wolfgang, Good bye Lenin!, 2003
Haußmann Leander, Sonnenallee, 1999
Bibliographie : sur demande
Webographie :
Arte, L'Allemagne et nous
Arte, Flake mein Leben
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